LA REVELATION
Il est le bateau mythique du chantier Wauquiez puisque c’est véritablement lui qui lanca la réputation du chantier. Bateau robuste, très bien conçu, facile à manier, 380 Centurion 32 furent construit entre 1968 et 1977. Sa côte de l’occasion reste élevée car c’est un bateau assez recherché. Michel Malinosky gagna la course de l’Aurore (l’actuel Figaro) en 1971. Son bateau navigue toujours en Bretagne. A l’intérieur, il offre un vrai confort: Un petit carré avec une table dépliante acueuille jusqu’à 6 personnes. Sur le côté tribord, on trouve une petite cuisine équipée de rangements très profond. L’accès au moteur se situe sous la descente ainsi que par le coffre tribord. On peut très facilement a toutes les parties du moteur.
La table à carte est grande et très profonde. Elle est située ………
Un sondage d’opinion auprès des propriétaires de bateaux de plaisance confirmerait certainement qu’une grande majorité d’entre eux, si on posait la question comment voyez-vous votre prochain bateau?, répondraient « Avec un mètre de plus. »
Cependant quelques initiés diraient « Avec 1 tonne de plus… », sachant bien quel supplément de confort en découle.
Bien sûr, le poids coûte cher. Comme tous les produits manufacturés, le bateau se vend pratiquement au kilo. Par ailleurs, chaque kilo a bord impose son décimètre carré supplémentaire de voilure, et border un génois de 35 m2 peut faire regretter de ne pas fréquenter plus assidûment un club de gymnastique. Mais, pouvoir embarquer une demi tonne de matériel et de vivres sans que le comportement du bateau soit désagréablement modifié, étaler un vent de force 5 ou 6 sans avoir forcément a rentrer de la toile, passer a la fois en puissance et en souplesse dans une mer agitée font partie des avantages de « la tonne de plus » qu’offrent des bateaux comme le Centurion.
Conçu au tournant entre la jauge RORC et la jauge IOR, le Centurion doit évidemment plus à l’ancienne formule qu’à la nouvelle. Dans un style assez proche de certains architectes américains, Kim Holman a dessiné un bateau qui reste très britannique, avec ce certain charme que donne le modernisme tempéré par l’expérience. Ayant parcouru plusieurs centaines de milles sur un Centurion, tant en régates qu’en croisière, nous avons succombé à ce charme, bien qu’une utilisation intensive nous ait révélé quelques défauts de jeunesse ne correspondant pas a l’image de qualité irréprochable que ce chantier a su se créer en quelques années d’existence. Nous avons pu constater, au cours d’une récente visite des chantiers à Mouvaux, que chaque point critiquable avait donné lieu à une modification destinée à y remédier, confirmant ainsi le désir de ce constructeur de se spécialiser dans la production de bateaux de classe internationale.
CONCEPTION
Traquée dans ses moindres trous par les architectes du monde entier, la jauge du RORC a fini par déboucher sur un certain style de bateaux dont le Centurion représente presque le portrait robot; étrave élancée, aileron porte lest avec trimmer, bordés frégatés, tableau inversé se raccordant à une voûte concave, safran séparé précédé d’un aileron fixe, maître bau reculé aux deux tiers de la longueur pour une meilleure tire du génois. Bateau de près, le Centurion a du pied dans l’eau 1,78 mètre. Son déplacement important, dû en partie à un lest en plomb de 2 tonnes, représentant 47 % du poids à vide, se traduit par un creux assez fort. Ce lest n’est pas bulbé: son bord d’attaque incliné est en V marqué, tout comme l’étrave et les sections avant précédant l’aileron de quille. A partir de ce dernier qui est raccordé à la coque par un retour de galbord à faible rayon, pour la surface mouillée minima, les sections deviennent beaucoup plus rondes. Cependant les lignes d’eau sont assez symétriques et, dans cette carène classique et très bien venue, la seule originalité est l’échancrure pratiquée dans la partie supérieure du bord de fuite du safran, inversement à la tendance actuelle qui consiste à prolonger artificiellement la flottaison par un safran affleurant la voûte.
Un pont dégagé, surmonté d’un roof assez bas mais allongé, complète harmonieusement la coque, La ligne des hiloires de cockpit se prolonge vers l’avant par un brise-lames arrondi venant rejoindre le « tableau de bord » qui surmonte l’entrée de la cabine, accentuant ce qu’on nommerait en jargon automobile, la silhouette, « grand tourisme » du Centurion.
Sous voiles, le Centurion se reconnaît assez facilement à son plan de voilure composé d’un grand triangle avant et d’une grand voile tiercée, c’est-à-dire trois fois plus longue sur le guindant que sur la bôme. Depuis longtemps, ce r apport est considéré par les techniciens comme donnant d’excellentes performances au près, ce qui explique le choix de l’architecte qui n’a rien négligé pour que cette allure convienne à son bateau. la marche aux allures portantes ‚tant assurée par la surface imposante des voiles d’avant (34 m2 pour le génois et 70 m2 pour le spi). Le choix de la longueur de flottaison de 7,32 m indique clairement que l’architecte a voulu que le Centurion puisse prendre part aux courses du RORC ce qui implique des emménagements prévus pour vivre en mer.
CONSTRUCTION
Malgré son frégatage et son tableau inversé, la coque est moulée d’une seule pièce, en plastique armé, grâce à un moule démontable. L’utilisation de ce procédé permet de prévoir sur la coque une amorce de pontage qui servira à recevoir et à boulonner le pont. De moulage également, sort la ceinture décorative et le glaive qui, vers l’étrave, rappelle l’insigne de voile. La solution de continuité e ntre le pont et la coque est masquée par un cale-pied en teck, évitant ainsi la pose d’un liston, source d’ennuis fréquents avec les voisins et les pare-battages. La coque est assemblée au pont par un boulonnage rapproché qui vient compléter le scellement plastique effectué au moment de la pose. En plus d’un échantillonnage sérieux de tissus de verre, un certain nombre de raidisseurs viennent s’ajouter aux varangues, cloisons et ameublements pour assurer une bonne rigidité de l’ensemble.
Le pont reçoit un contre-moulage intérieur de surface lisse; par contre, la coque est totalement recouverte, soit par les emménagements, soit par un vaigrage en teck du plus bel effet. Il faut noter à ce propos que ce bois e st utilisé à profusion dans le Centurion, faisant oublier, surtout à l’intérieur de la cabine, que l’on se trouve dans un bateau en plastique.
Le lest est fixé par 6 boulons de 32 mm de diamètre puis entièrement plastifié. Le safran et son aileron sont moulés en plastique armé.
Au niveau du mât, qui se pose sur le pont, la rigidité est donnée par une cloison en contre-plaqué marine près de laquelle vient se fixer une épontille tubulaire en acier inox poli mat. Aux endroits de fixation de l’accastillage, le contre-moulage du pont est prévu pour reposer parfaitement sur celui-ci afin d’obtenir une bonne étanchéité, que ce soit au niveau des mains-courantes ou des hublots.
Pour obtenir les surfaces antidérapantes du pont, le constructeur utilise un procédé intéressant qui consiste à appliquer un gelcoat granit‚ sur la pièce moulée. Il obtient ainsi un bon résultat tant pour l’esthétique q ue pour l’adhérence. De plus, le nettoyage se fait sans problème, contrairement à celui des classiques pointes de diamant qui ont tendance à s’encrasser. La tenue dans le temps paraît tout à fait satisfaisante.
Il faut reconnaître que le Centurion séduit par sa finition autant que par ses lignes, ceci explique le succès qu’il a remporté auprès d’une clientèle éclectique.
PONT – COCKPIT – ACCASTILLAGE
A partir d’une certaine taille de bateau, n’empêche une répartition harmonieuse entre la plage avant, le roof et le cockpit, surtout avec une coque creuse et élancée. Sur le Centurion, chaque chose semble trouver sa place naturellement, sans acrobatie, sans solution technique hardie. La plage avant est dégagée, la largeur des passavants reste convenable, même lorsque les tangons sont à poste, le cockpit accueille tout l’équipage comme sur un day-boat. Le teck habille la nudité du plastique, recouvrant les hiloires de cockpit ainsi que les banquettes. Un caillebotis complète l’aspect classique et confortable de cet ensemble. En navigation, ce cockpit s’avère même un peu trop large et le barreur ne trouve une position convenable qu’avec un coussin. Les winches à deux vitesses, montés en série, demandent de bons muscles si l’on veut souquer le bateau.
Le balcon arrière s’ouvre au milieu, facilitant l’accès à bord lorsque le bateau est amarré l’arrière à quai. Deux supports en inox pour les bouées fer à cheval lui donnent une touche de finition supplémentaire. Une filière double, montée sur des chandeliers bien inclinés, le relie au balcon avant qui serait parfait sans les deux platines de feux de route, meurtrières pour les voiles d’avant.
Le panneau avant, les taquets, les rails d’écoute de foc et de grand voile sont d’une qualité éprouvée. Deux détails seulement contrastent avec le sérieux général : la fermeture peu pratique des grands coffres de cockpit et la position du fil électrique d’alimentation du mât très vulnérable. Etant donné les efforts du constructeur pour atteindre une qualité parfaite, nous sommes sûrs qu’il ne nous tiendra pas rigueur de ces quelques remarques.
EMMENAGEMENTS
Le carré du Centurion peut être aménagé de deux façons différentes, soit en formule dînette avec une banquette en U transformable en couchette double, soit avec deux couchettes simples superposées. La faveur de la clientèle va à la première solution, prouvant que la majorité des utilisateurs préfèrent sacrifier un peu de confort à la mer pour trouver au port un carré plus accueillant. Certes, la deuxième version conviendra beaucoup mieux pour courir le Fastnet avec un équipage de cinq ou six hommes. Mais cela n’arrive que tous les deux ans.
Nous avions été frappés en visitant les chantiers Wauquiez par l’importance de la menuiserie habituellement très modeste chez les constructeurs de bateaux en plastique. En descendant les marches de la cabine du Centurion, tout s’explique. Beaucoup de constructeurs mettent un point d’honneur à réaliser des emménagements moulés aux formes complexes, insistant sur l’absence d’entretien alors que l’intérêt principal est l’économie de main-d’œuvre à la construction. Peut-être nostalgiques, nous préférons un beau vaigrage en lattes de teck à un molleton en vinyl ou à un gel-coat gaufré « façon maroquinier », d’autant plus que ce bois lui aussi ne nécessite aucun entretien. Toutes les menuiseries sont traitées dans un style sobre, un certain nombre d’éléments en bois massif, comme les montants de porte de cabine ou de table à cartes avec des poignées creusées, apportant une touche fonctionnelle, correspondant à la disposition des emménagements.
Bien conçue pour la vie à bord, l’installation intérieure se répartit de la manière suivante:
A bâbord, une couchette de navigateur dont la tête sert de siège pour travailler à la, table à cartes. Celle-ci, de belle dimension, est fixée sur une cloison permettant de disposer des habituels appareils de navigation. Le long du bord‚ des équipets et des casiers reçoivent les livres, documents…
La descente dans la cabine se fait en marchant sur un meuble en L qui contient dans l’ordre: une case à cirés, le compartiment moteur, l’évier, la glacière et le réchaud à cardan. Cette énumération indique que le moteur est à proximité de la glacière, ce qui ne va pas sans inconvénient. Tout ce meuble recouvert de Formica constitue un grand plan de travail pour cuisiner. Calé contre la cloison a mi-hauteur qui le sépare du carré, le coq, grâce a une sangle montée en série, peut continuer ses activités en mer dans les meilleures conditions.
La deuxième couchette utilisable en mer se trouve a bâbord. Pour augmenter sa largeur au port, le dossier se relève, le dormeur pouvant jouir de toute la largeur jusqu’à la coque. Par suite du décalage entre la cloison de la table a cartes et celle de la cuisine, le pied de cette couchette bâbord s’encastre en cercueil. A tribord, en version dînette, le même système de dossier basculant dégage une grande couchette double, alors que, dans la journée, il résout le problème de rangement des couvertures, oreillers et sacs de couchage. Pratiquement chaque équipier dispose de son équipet, les coffres sous les couchettes constituant de vastes soutes. Sous le plancher de la cabine, dans le retour de galbord, un grand réservoir souple alimente en eau douce la cuisine et les toilettes, par l’intermédiaire d’une pompe électrique. Ce confort se paie par des remplissages fréquents malgré la capacité qui atteint 150 litres.
Le compartiment toilettes, penderie, douche qui conduit au poste avant, bénéficie encore d’une bonne hauteur sous barrots. Une porte coulissante l’isole de l’arrière du bateau afin d’économiser la place. Une autre porte, a charnière cette fois, ferme la cabine avant.
Très classique, le poste avant abrite deux couchettes, Remarquons cependant qu’il est clair et aéré, ce qui n’est pas toujours le cas et qu’il manque de bons équipets, ce qui est malheureusement plus fréquent. La dimension des couchettes (1,90 m) fera rêver au mètre de plus, certains propriétaires de grande taille.
PERFORMANCES ET QUALITES NAUTIQUES
Le plus grand mérite de l’installation mécanique est qu’elle se fait oublier. Parfaitement monté, le diesel 2 cylindres 17 ch Volvo Penta, livré en série, tourne comme une horloge, sans aucune odeur. En utilisation normale, il assure sans défaillance la recharge des accus. En fonctionnement, le bruit n’est pas excessif, bien qu’aucun dispositif d’insonorisation n’ait été prévu, ce qui semble un peu dommage. Le presse-étoupe est accessible soit par la cabine, soit par les coffres de cockpit. Situé dans le coqueron arrière, un réservoir de fuel de 30 litres fournit une autonomie très importante en raison de la faible consommation qui avoisine les 1,5 litres par heures.
Par le dessin de la carène et par son plan de voilure, le Centurion ne peut cacher que son architecte a inclus la course dans son programme. En un an, ce bateau a réussi à se faire un beau palmarès, particulièrement dans les courses de mer du Nord. Bateau lourd, mais voilé, il aime soit les légers zéphyrs, soit la bonne brise a’ partir de force 4, profitant alors à plein de s a puissance et de sa raideur à la toile.
Dans certains types de clapot, le V prononcé de l’étrave demanderait à être atténué par un volume un peu plus porteur, comme cela se fait sur les modèles up to date, afin d’éviter le tangage. Il faut dire que le Centurion marche au près avec un cap impressionnant, a tel point qu’en croisière, barre amarrée, on peut compter sur 80° d’un bord sur l’autre avec un vent de 20/25 nœuds.
Comme sur tous les bateaux lourds, le gréement et la voilure subissent des c ontraintes importantes. Un réglage et une coupe parfaite des voiles sont nécessaires pour tirer de la coque les performances que l’on est en droit d’attendre. Un ridoir réglable en marche sur le pataras sera nécessaire pour contrôler sa tension ainsi que celle de l’étai. Sinon la barre, très agréable en temps normal, deviendra lourde. Bien équilibré à la gîte, le Centurion accepte de porter son génois lourd à force 5 au près. Aux allures portantes, on peut garder toute la toile encore plus longtemps.
Par suite de don déplacement, le bateau ne donne jamais l’impression de partir en survitesse de manière spectaculaire. Pourtant, l’aiguille du speedomètre et la discrétion du sillage indiquent de belles performances qui se traduisent par de bonnes moyennes journalières en croisière hauturières. C’est ainsi que nous avons traversé la Manche, de Cherbourg à Yarmouth, à près de 7,25 nœuds au largue et dépassé 6 nœuds de moyenne au près, barre amarrée, pendant plus de trente heures.
Toujours en raison de son poids, le Centurion se manœuvre très aisément au port, le fardage de la coque intervenant peu par rapport à l’importance de l’erre. L’efficacité du safran n’est jamais prise en défaut, même pour les évolutions en marche arrière avec le moteur, point faible de beaucoup de voiliers.
La barre d’écoute de grand voile qui traverse tout le cockpit donne des résultats tangibles sur la marche du bateau, bien que son action soit atténuée par la hauteur de la bôme.
Sur des modèles conçus uniquement pour la compétition, le Centurion présente l’énorme avantage d’être parfaitement adapté à la croisière familiale grâce à son confort exceptionnel pour un bateau ne dépassant 10 mètres. En haute mer ce confort continuera à jouer en sa faveur, surtout avec de la mer. En régate entre trois bouées, peut-être devra-t-il céder la première place à des engins plus « pointus ».
Dans tous les cas, le Centurion fait partie des valeurs sûres du marché, offrant, pour un prix tout à fait raisonnable eu égard à sa taille et sa qualité, un bateau que l’on aura toujours plaisir à contempler de l’extérieur comme de l’intérieur.